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Peut-on questionner ses employés sur leur statut vaccinal?

Peut-on questionner ses employés sur leur statut vaccinal?

Le 15 novembre 2021, l’arbitre Me Denis Nadeau a statué pour la première fois sur cet enjeu. Celui-ci a été soulevé par les employés d’une entreprise d’entretien ménager. Cette dernière, à la demande de ses clients, a exigé aux salariés de fournir une preuve de leur statut vaccinal[1].

D’autres instances se prononceront sans doute sur la question, mais pour l’instant, en vertu de cette décision, les employeurs peuvent légitimement questionner leurs employés pour savoir s’ils sont adéquatement vaccinés contre la COVID-19.

 

Atteinte justifiée au droit à la vie privée

Selon l’arbitre, les informations relatives au statut vaccinal d’un individu sont de nature personnelle et confidentielle. Des questions à ce sujet portent donc clairement atteinte au droit à la vie privée[2].

Toutefois, l’arbitre rappelle qu’aucun droit n’est absolu, et qu’en vertu de l’article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, les droits fondamentaux doivent s’exercer dans le respect du bien-être général des citoyens du Québec[3]. Or, le bien-être général de la population est à risque depuis le début de la pandémie de COVID-19, qui a causé 11 552 décès au Québec en date du 19 novembre 2021[4].

De tels risques justifient que l’employeur ait recours à toutes les méthodes visant à prévenir les menaces pour la santé de ses employés[5], y compris leur demander s’ils ont reçu un ou plusieurs vaccins contre la COVID-19[6]. En effet, les vaccins sont considérés comme la mesure de protection idéale contre les décès liés à la COVID-19, avec une efficacité de plus de 95% après l’administration de la deuxième dose (en date du 22 novembre 2021)[7].

Comme la présence de personnes non vaccinées sur les lieux du travail augmente les risques de contamination et de transmission de la COVID-19, l’arbitre a considéré que l’atteinte à la vie privée était justifiée dans les circonstances et qu’elle ne pouvait pas être invoquée par les salariés pour refuser de communiquer leur statut vaccinal à leur employeur[8].

 

Prendre toutes les mesures pour protéger la santé de ses employés

Dans sa décision, l’arbitre a aussi considéré le fait que les travailleurs ont l’obligation légale de protéger leur santé et celle des autres personnes se trouvant sur les lieux du travail[9]. Cela devrait les encourager à divulguer les informations exigées par leur employeur relativement à leur statut vaccinal.

Quant aux employeurs, en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, ils doivent utiliser toutes les méthodes appropriées pour identifier, contrôler et éliminer à la source les risques et les dangers pour la santé des travailleurs[10].

Il ne leur suffit pas d’atteindre un seuil minimal pour ensuite se dégager de toute responsabilité. Ils doivent plutôt chercher à rencontrer les plus hauts standards en matière d’identification des risques et dans la mise en place de mesures de protection[11]. Cette obligation, dont la portée est très large[12], englobe par conséquent les questions posées sur le statut vaccinal de leurs employés.

Me Pierre Loyer, avocat

Avec la collaboration de Marie-Jeanne Auclair, étudiante en droit

[1] Union des employés et employées de service, section locale 800, et Services ménagers Roy ltée (grief syndical), 2021 QCTA 570

[2] Id., par. 15

[3] Id., par. 47; Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 9.1

[4] INSPQ, « Données COVID-19 au Québec », en ligne : https://www.inspq.qc.ca/covid-19/donnees (consulté le 22 novembre 2021)

[5] Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, art. 51 par. 5 et 51.1

[6] Union des employés et employées de service, section locale 800, préc., note 1, par. 64

[7] INSPQ, « Efficacité de deux doses de vaccin contre la COVID-19 chez les adultes québécois vivant dans la communauté », en ligne : https://www.inspq.qc.ca/covid-19/vaccination/efficacite-2-doses (consulté le 22 novembre 2021)

[8] Union des employés et employées de service, section locale 800, préc., note 1, par. 77

[9] Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, art. 49(2) et (3)

[10] Id., art. 51 par. 5; Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 8653631 Canada Inc., 2020 QCCQ 6684, par. 40

[11] Professionnel(le)s en soins de santé unis (PSSU-FIQP) et CHSLD Vigi Reine-Élizabeth, 2021 QCTAT 1401, par. 45

[12] Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles), (1990) RJQ 2190 (QC CA)