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Peut-on être congédié pour avoir insulté son employeur sur les réseaux sociaux ?

Ce sujet a été abordé dans la décision Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec c. Québec (Sécurité publique)[1]. Dans cette affaire, la plaignante est une agente des services correctionnels qui fut congédiée en raison d’un bri du lien de confiance causé par une incitation à la désobéissance civile en publiant des messages provocateurs sur Facebook et par l’organisation et la participation à une manifestation anti-mesures sanitaires.

Sans plus tarder, plongeons dans le vif du sujet.

Les gestes posés par la plaignante

En bref, la plaignante a commis les actes suivants :

  • – Inciter à la désobéissance civile en publiant des messages provocateurs sur son compte Facebook, compte qui est public et qui compte environ 1 400 ami(e)s ;
  • – Insulter à plusieurs reprises son employeur, le gouvernement du Québec, sur les réseaux sociaux ;
  • – Organiser et participer à une manifestation anti-mesures sanitaires ;
  • – Continuer d’agir de cette façon malgré de nombreux avertissements de la part de ses supérieurs.

D’ailleurs, la manifestation anti-mesures sanitaires est dénoncée par une multitude de médias télévisés et radiophoniques. De plus, son implication dans l’organisation et la tenue de la manifestation est connue par les médias et le ministère de la Sécurité publique est même interpelé à ce sujet.

La réaction de l’employeur

À la suite de ladite manifestation, son dossier est examiné par le comité d’examen des manquements, tel que prévu à la procédure Traitement des agents des services correctionnels. Ultimement, le comité recommande le congédiement de la plaignante pour les raisons suivantes :

« Les gestes posés par l’employée ont terni l’image de l’employeur et entraînent une perte totale de confiance. […] Ses agissements vont d’ailleurs à l’encontre de son statut d’agent de la paix[2]. »

Face à cette recommandation, l’employeur procède au congédiement de la plaignante. Le syndicat représentant la plaignante s’oppose au congédiement, notamment en invoquant que l’employeur aurait dû respecter la progression des sanctions et en ne prenant pas en compte certains facteurs atténuants.

Analyse du Tribunal d’arbitrage

Il est important de noter que le Tribunal d’arbitrage n’a pas pris compte des croyances idéologiques de la plaignante lors de l’analyse de la plainte. Il respecte sa liberté d’opinion et sa liberté d’expression[3].

Malgré tout, il juge que le congédiement est justifié puisque les gestes posés par la plaignante ont rompu le lien de confiance qu’elle entretenait avec son employeur. Le Tribunal d’arbitrage juge que les actes commis par la plaignante sont objectivement graves, d’autant plus qu’elle a ignoré les avertissements de son employeur. Cela justifie également, selon lui, d’outrepasser le principe de la progression des sanctions. D’ailleurs, il ne considère pas son dossier disciplinaire vierge comme suffisant pour obliger l’application du principe de la progression des sanctions.

De plus, le Tribunal d’arbitrage considère son ancienneté comme un facteur aggravant. En effet, il est d’avis qu’une agente de la paix comptant 23 ans d’expérience devait nécessairement être au courant des exigences entourant son obligation de loyauté.

En critiquant et insultant publiquement son employeur sur les réseaux sociaux, la plaignante a failli à son devoir de loyauté, devoir d’ailleurs plus contraignant en raison de son statut d’agente de la paix et d’employée de l’État. La gravité de la faute qu’elle a commise justifiait donc son congédiement.

Me Pierre Loyer, avocat

Avec la collaboration de Laura Frégeau, étudiante en droit

[1] Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec c. Québec (Sécurité publique), 2022 QCSAT 6833.

[2] Id., par. 42.

[3] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 3.