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Chuter en allant dîner en télétravail : est-ce un accident de travail ?

Le Tribunal administratif du travail (ci-après « Tribunal ») a eu l’occasion de se pencher sur la question dans une décision rendue le 3 décembre 2021 sous la plume du juge administratif Philippe Bouvier[1].

La question a été soulevée par une employée d’Air Canada qui a subi une chute dans les marches de sa résidence privée alors qu’elle se dirigeait vers sa cuisine pour dîner.

Qu’est-ce qu’un accident de travail ?

Un accident de travail est défini par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles comme étant « un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle »[2].

Quels critères le Tribunal a-t-il retenus dans son analyse ?

La jurisprudence a élaboré 6 critères qui permettent de déterminer si l’on est en présence d’un évènement imprévu et soudain ayant eu lieu à l’occasion du travail[3]. Ces critères sont les suivants[4] :

  1. Le lieu de l’évènement ;
  2. Le moment de l’évènement ;
  3. La rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’évènement ;
  4. Le lien de subordination du travailleur ;
  5. La finalité de l’activité exercée au moment de l’évènement, qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail ;
  6. Le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité du travailleur en regard de l’accomplissement du travail.

Bien qu’ils aient tous le même poids et la même valeur dans l’analyse du contexte, les tribunaux de façon générale ont tendance à accorder plus d’attention aux trois derniers critères, soit le lien de subordination, la finalité de l’activité et la connexité de l’activité en regard à l’accomplissement du travail.

Quelle est la conclusion du Tribunal ?

À la suite d’une analyse de la situation, le Tribunal est arrivé à la conclusion que la chute de la travailleuse constituait un accident de travail. En effet, bien que la dame n’était pas rémunérée puisqu’elle était en pause dîner lors de l’accident, le Tribunal a conclu que cette pause faisait partie « de l’organisation du travail déterminé par l’employeur »[5] et qu’alors cette activité relevait de l’organisation du travail et qu’il existait même un lien de connexité.

De plus, la travailleuse se trouvait à son domicile privé au moment de l’accident parce qu’elle devait remplir ses obligations professionnelles qu’elle a envers son employeur. D’ailleurs, lorsque le travailleur est en télétravail, sa « résidence privée devient, certes, le lieu de travail, notamment l’environnement circonscrit où le travailleur exerce ses fonctions »[6].

Pour conclure, nous pouvons retenir qu’il possible pour les travailleurs de subir un accident de travail même lorsqu’ils sont en télétravail, tout comme il est possible pour les employeurs de devoir indemniser ces mêmes travailleurs.

Me Pierre Loyer, avocat

Avec la collaboration de Laura Frégeau, étudiante en droit

[1] Air Canada et Gentille-Patti, 2021 QCTAT 5829.

[2] Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001, art. 2.

[3] Plomberie & Chauffage Plombec Inc. et Deslongchamps, 1995 QCCALP 14384.

[4] Air Canada et Gentille-Patti, 2021 QCTAT 5829, par. 11.

[5] Id., par. 18.

[6] Id., par. 11.