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Le statut d’étudiant est-il protégé contre la discrimination?

Dans le cadre de notre série d’articles[1] sur la décision Aluminerie de Bécancour inc.[2], nous vous proposons une courte présentation sur l’une des questions principales à laquelle la Cour d’appel du Québec devait répondre. En guise de contexte, il était question d’une plainte en discrimination dirigée contre l’employeur concernant des employés étudiants qui recevait un taux horaire différent de celui des autres salariés de l’usine.

Aujourd’hui, le sujet de notre publication :

Le statut d’étudiant fait-il partie de la notion de « condition sociale » prévue au droit à l’égalité de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la « Charte québécoise »)?

D’entrée de jeu, l’employeur rejetait l’idée que le statut d’étudiant était une condition sociale sans pour autant offrir de définition de cette notion. Il s’était contenté d’argumenter que ce groupe de personnes ne subissait pas de discrimination en raison de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social, et par conséquent, ce statut ne se qualifiait pas comme condition sociale.

À cet égard, la Cour d’appel du Québec a rappelé que la définition suivante a toujours été appliquée par les tribunaux, et ce, depuis 1978 :

[…] [La] « condition sociale » réfère soit au rang, à la place, à la position qu’occupe un individu dans la société, de par sa naissance, de par son revenu, de par son niveau d’éducation, de par son occupation; soit à l’ensemble des circonstances et des événements qui font qu’une personne ou qu’un groupe occupe telle situation ou telle position dans la société. […][3]

Elle a ajouté que cette condition sociale peut être temporaire[4].

Également, bien qu’une telle définition comprenne des dimensions objectives et subjectives, il n’appartenait pas aux plaignants de démontrer chacun de ces éléments. À partir du moment où des plaignants sont capables de prouver qu’ils font partie d’un groupe identifiable et qu’ils subissent de la discrimination parce qu’ils font partie de ce groupe social, leur fardeau serait rempli.

La Cour d’appel du Québec a donc rejeté l’argument de l’employeur voulant qu’en l’absence d’une démonstration d’une discrimination en raison de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social, le statut d’étudiant ne se qualifie pas dans la définition de condition sociale.

Le plus haut tribunal de la province a donc considéré que les étudiants formaient un groupe social identifiable dans la communauté notamment en raison de leur niveau d’éducation. Nous nous permettons d’ajouter que leur précarité d’emploi et leur revenu inférieur ont également eu un impact dans l’évaluation faite par les juges.

Mais avant de conclure sur la notion de condition sociale, la Cour d’appel du Québec a voulu répondre à d’autres arguments soulevés par l’employeur. Parmi ceux-ci, elle devait déterminer si le fait d’être étudiant est l’expression d’un choix personnel faisant obstacle à la notion de discrimination.

Vous aimeriez en savoir plus? N’hésitez pas à consulter nos autres publications.

Me Pierre Loyer, avocat

[1] N’hésitez pas à consulter les articles précédents que vous auriez manqués afin d’avoir le contexte global de cette décision.

[2] Aluminerie de Bécancour inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres), 2021 QCCA 989. (En date du 19 août 2021, cette décision n’a pas été portée en appel)

[3] Aluminerie de Bécancour inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres), 2021 QCCA 989, par. 50.

[4] Commission des droits de la personne c. Gauthier, [1994] R.J.Q. 253, 1993 CanLII 8751 (T.D.P.).