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La discrimination en regard de la Charte des droits et libertés de la personne: Comment faire pour la déterminer?

Dans le cadre de notre série d’articles[1] sur la décision Aluminerie de Bécancour inc.[2], nous vous proposons une courte présentation sur l’une des questions principales à laquelle la Cour d’appel du Québec devait répondre. En guise de contexte, il était question d’une plainte en discrimination dirigée contre l’employeur concernant des employés étudiants qui recevait un taux horaire différent de celui des autres salariés de l’usine.

Aujourd’hui, le sujet de notre publication :

Comment déterminer s’il y a une discrimination en regard de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la « Charte québécoise »)?

De leur côté, les employés étudiants prétendaient qu’en recevant un taux horaire moins élevé que celui des autres salariés, ceux-ci étaient victimes d’une discrimination au sens de la Charte québécoise.

Pour sa part, l’employeur alléguait qu’aucune preuve n’avait été faite selon laquelle il y avait une discrimination découlant de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social. Selon lui, en l’absence d’une telle preuve, il y a absence de discrimination.

En répondant à ces prétentions, le plus haut tribunal de la province a saisi l’occasion pour clarifier le cadre d’analyse applicable en droit québécois.

Pour qu’une plainte en discrimination fondée sur l’article 10 de Charte québécoise puisse être accueillie, il faut d’abord que les plaignants démontrent une discrimination à sa face même (preuve prima facie) en établissant trois éléments relativement au traitement qu’ils subissent :

  1. Ils doivent démontrer l’existence d’une distinction, d’une exclusion ou d’une préférence;
  2. Que cette distinction, exclusion ou préférence soit fondée sur l’un des motifs protégés par le droit à l’égalité (art. 10, alinéa 1 de la de Charte québécoise);
  3. Que cette distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne.

Qu’en est-il de l’argument de l’employeur voulant que la discrimination doive découler de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social?

La Cour d’appel du Québec rappelle que cette preuve n’est pas nécessaire lorsqu’une plainte en discrimination est fondée sur la Charte québécoise, car seuls les trois éléments ci-dessus doivent être démontrés. Au contraire, cette preuve pourra s’avérer nécessaire lorsqu’une plainte se fonde sur l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Et pourquoi cette preuve n’est-elle pas nécessaire en droit québécois? Tout simplement parce que la Charte québécoise ne vise pas à protéger le droit à l’égalité en lui-même contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés, qui elle, ne s’applique qu’à l’État et cherche à garantir des principes constitutionnels.

En bref, lorsqu’une personne dépose une plainte en matière de discrimination selon l’article 10 de la Charte québécoise, elle aura le fardeau de démontrer qu’elle subit une discrimination basée sur l’un des motifs interdits à la loi et que cela atteint l’un de ses droits.

Dans le cas qui nous occupe, les employés étudiants disaient subir un traitement qui les distingue (un taux de salaire différent et inférieur aux autres employés) à cause de leur condition sociale (leur statut d’étudiant), le tout, entravant l’un de leur droit (avoir un salaire égal pour un emploi équivalent[3]).

Les employés étudiants avaient réussi à démontrer les trois éléments de leur fardeau de preuve devant le tribunal de première instance. En ce qui concerne la distinction, les parties l’ont reconnu d’emblée. Pour ce qui est des deux autres éléments, les parties avaient des arguments contradictoires.

Ainsi, en ce qui concerne le motif allégué de discrimination, est-ce que le statut d’étudiant fait partie de la notion de « condition sociale » prévue au droit à l’égalité de l’article 10 de la Charte québécoise?

Vous aimeriez en savoir plus? N’hésitez pas à consulter nos autres publications.

Me Pierre Loyer, avocat

[1] N’hésitez pas à consulter les articles précédents que vous auriez manqués afin d’avoir un contexte global de cette décision.

[2] Aluminerie de Bécancour inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres), 2021 QCCA 989. (En date du 4 août 2021, cette décision n’a pas été portée en appel)

[3] Article 19 de la Charte québécoise.