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Des questions sur l’état de santé d’un candidat à l’embauche peuvent-elles être discriminatoires?

Le 17 septembre 2021, le Tribunal des droits de la personne a ordonné à la Société de Transport de Montréal (STM) de réviser le questionnaire médical dédié aux candidats à l’embauche, car certaines questions posées étaient discriminatoires au sens de la Charte des droits et libertés de la personneci-après la Charte québécoise) [1].

Dans ce contexte, la STM a dû verser environ 50 000$ à un candidat qui n’a pas réussi à obtenir un poste de technicien électronique après deux tentatives en 2012 et en 2013. Celui-ci avait rempli le questionnaire et avait passé une série de tests médicaux dans le cadre du processus d’embauche.

Les questions posées au candidat concernaient notamment les divers traitements qu’il subissait ou avait subis dans sa vie, les vaccins qu’il avait reçus, les blessures qu’il avait eues et sa consommation de substances passée ou présente.

Selon le Tribunal, de telles questions sur l’état de santé d’un candidat dans un processus d’embauche sont, à leur face même, discriminatoires au sens de l’article 10 de la Charte québécoise, car les problèmes de santé sont considérés comme des handicaps au sens de cette même Charte[2]. Les questions ne sont toutefois pas discriminatoires si elles sont requises en fonction de l’emploi, comme le veut l’article 20 de la Charte québécoise[3].

La STM devait donc démontrer que les questions « larges et invasives » posées au candidat à propos de son état de santé référaient à des qualités ou à des aptitudes requises pour occuper le poste convoité.

La STM a toutefois échoué à faire cette preuve. Le Tribunal fut d’avis que plusieurs questions posées au candidat ne se justifiaient pas par la nature du poste de technicien électronique, qui n’exigeait pas une « norme de sécurité accrue » comme pour les chauffeurs d’autobus.

Par exemple, les questions concernant les séquelles physiques ou psychologiques que le candidat aurait pu avoir à la suite d’un accident n’étaient pas nécessaires afin d’évaluer les aptitudes requises par le poste, contrairement à une question portant sur une maladie des yeux, qui se justifiait par l’exigence de pouvoir observer des codes de couleurs.

Bref, plusieurs questions posées violaient les articles 10 et 18.1 de la Charte québécoise, ce dernier article garantissant le droit à l’égalité sans discrimination dans l’embauche[4]. Le droit à la sauvegarde de la dignité du candidat ainsi que son droit à la vie privée avaient aussi été bafoués.

Par conséquent, le Tribunal a ordonné à la STM d’indemniser ce candidat pour la perte salariale entre le moment où il aurait pu obtenir le poste de technicien et le moment où il s’est trouvé un autre emploi. Il a également eu droit à 10 000$ à titre de dommages moraux à cause du malaise ressenti lorsqu’on le questionnait sur son état de santé physique et psychologique.

Finalement, le Tribunal a ordonné à la STM de revoir son questionnaire, bien qu’il ait changé depuis 2012, afin qu’il ne contienne aucune question sur des motifs visés par l’article 10 de la Charte québécoise, à moins que cela ne soit nécessaire à cause des aptitudes précises requises par le poste.

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Me Pierre Loyer, avocat

Avec la collaboration de Marie-Jeanne Auclair, étudiante en droit

[1] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.R.) c. Société de transport de Montréal (STM), 2021 QCTDP 35

[2] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 10

[3] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 20

[4] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 18.1